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Soutenons Charlie Hebdo
14 février 2007

Devant la salle d'audience : la République (par Pascal Hilout)

respublica_headerLe procès intenté à Charlie Hebdo a été une formidable occasion de prendre le pouls de la citoyenneté française. Malgré la pluie glaciale, il y avait foule devant le Palais de justice à Paris. Une heure d'avance suffisait à peine pour avoir une petite chance d'accéder à la salle d'audience en ce mémorable mercredi 7 février 2007, jour d'ouverture du procès. Journalistes, photographes et cameramen se bousculaient et se mêlaient aux représentants de la Grande Mosquée de Paris, des autres parties civiles mais aussi au peuple français dans toute sa diversité. Ce maelström humain auquel je me suis joint est le bon endroit où les rires fusaient et le débat chauffait l'atmosphère dès les grilles du Palais de Justice. En arrivant juste derrière M. Heneghan, spécialiste des religions à l'agence Reuters, je ne pouvais pas mieux tomber. Il discutait avec des homologues en anglais et il riait tous juste derrière une délégation où j'ai reconnu M. Zekri de la mosquée de Paris (MP). Pour entrer dans le vif du sujet, je lance à notre journaliste anglais dont je connaissais l'humour : " Devant un musulman, comme moi, il est interdit de rire, Monsieur Heneghan ! ". L'effet fut immédiat et les fronts immédiatement constitués avant même les formalités des fouilles. Le représentant de la Mosquée de Paris avait mordu à l'hameçon et nous a rappelé avec force l'offense faite aux musulmans par Charlie Hebdo. C'était l'occasion de " féliciter " la MP d'avoir emboîté le pas à l'UOIF et de lui rappeler, qu'il y avait tout de même bien des musulmans qui soutenaient Charlie Hebdo et que nous musulmans nous savions aussi rire de notre bêtise bien humaine.

Quelle ne fut notre surprise devant la XVIIe chambre ! Une barricade était dressée pour retenir une foule impatiente et bruyante. Les journalistes étaient légion et nous faisions pâle figure de retardataires. La priorité ayant été donnée à la presse, le reste des places pouvait à peine satisfaire le quart de la demande présente à ce moment. Les laissés pour compte emplissaient alors tout le hall et dénonçaient l'injustice qui privaient les citoyens de suivre les débats.

Les débats durant le procès ayant été suffisamment relatés par divers journaux, il serait plus intéressant de s'attarder aux micros débats qui se sont déroulé devant la salle d'audience.

La protestation véhémente des citoyens frustrés était encore plus violente le jour suivant puisque la salle et le hall étaient combles dès 13h, soit une heure avant le début du procès. Autant les débats étaient relativement calmes le mardi, autant le mercredi après-midi était bien animé. L'arrivée de Philippe Val et des témoins en sa faveur était chaleureusement applaudie alors que les deux représentants de l'UOIF (son président Thami Breze et le secrétaire général Fouad Alaoui) étaient hués.

Mais ce procès n'a pas attiré que les nombreux défenseurs de Charlie Hebdo, il y avait aussi quelques barbus et voilés, des convertis qui se croyaient obligés d'arborer une djellaba comme mon père pour être musulmans et d'autres musulmans qui défendait l'avis de l'UOIF et de la MP tout en étant habillés comme tout le monde.

Après la distribution de mon texte de soutien que Charlie Habdo avait publié la veille du procès, j'ai été sollicité pour entrer dans des débats le plus souvent amicaux et encourageants mais aussi contradictoires. Ainsi, un Monsieur d'un certain âge est venu tout simplement me rendre mon papier en me signifiant en Arabe que je pouvais me torcher avec. Avec un grand sourire, je lui ai dit " Merci ! ". Il est reparti discuter avec son petit groupe et il est revenu me voir quelques minutes après. Tout en me qualifiant de non musulman, il désirait visiblement entendre l'explication de mon attitude favorable à Charlie Hebdo. Après quelques échanges fermes mais courtois nous sommes arrivés à la conclusion que nos positions étaient inconciliables tout en étant d'accord que, pour moi, la dignité humaine était sacrée pas les religions. Quelle émotion de voir ce grand gaillard, armé d'un grand parapluie, me faire par deux fois ses excuses puis d'accepter la bise de réconciliation. L'incompréhension autour de nous était palpable. J'ai du expliquer qu'on venait de rejouer l'expérience de Charlie Hebdo. A l'occasion de ce qui pourrait être ressenti comme une offense, on peut entrer en dialogue franc et sincère, constater nos différences fondamentales puis se respecter le plus honnêtement du monde.

Nos positions de démocrates sont inconciliables avec celles des musulmans classiques (ce ne dis pas islamistes) tant qu'ils n'acceptent pas la critique du Coran et de Mahomet. C'est en affirmant clairement ce principe sans reculer d'un pouce que nous pouvons forcer le respect sans pour autant tomber dans le piège de la provocation, de la peur ou de la paranoïa

Et puisqu'il s'agissait de caricatures, j'en ai vécu une autre tout à fait mémorable. Il y avait là deux jeunes convertis qui ne pouvaient afficher leur islamité qu'à l'aide d'une djellaba que mon aurait père pu leur prêter. Face à ces deux jeunes, je me suis retrouvé dans la situation burlesque du Français de couleur qui a un accent bien parisien, auquel Michel Leb apprend à parler français à l'Africaine !

C'était donc nos deux jeunes convertis qui m'expliquaient qu'Allah exigeait de nous un respect total à Mahomet et que c'est cette Vérité qu'ils étaient venus défendre. Mais ils n'arrivaient pas à admettre la contradiction qu'il y avait entre leur droit de changer de foi comme bon leur semblait et que moi le né-musulman, je risquais ma vie si l'envie me prenait de faire une autre expérience spirituelle.

Il y avait aussi un groupe d'écoliers qui étaient venus visiter le Palais de Justice mais qui ne voulaient pas repartir avant de discuter avec Caroline Fourest qui animait des cercles de discussions républicains devant la salle d'audience.

Et là, je dois avouer que c'était moi qui avais reçu une grande leçon d'une jeune adolescente. Elle m'a vu expliquer à une jeune voilée que ce n'étais pas son voile qui me gênait mais plutôt ce qu'il signifiait : pas de piscine avec ses camarades de classe, pas de sorties mixtes ...

Visiblement, mon argument mettait la jeune voilée mal à l'aise et c'est une jeune adolescente non voilée, qui n'appartenait même pas au même groupe qui m'a fait la leçon en expliquant qu'il fallait accepter le choix de cette jeune fille et que sa notion de pudeur avait aussi sa place dans une société tolérante.

Cette générosité juvénile et débordante m'a confirmé dans l'idée que la République, avec toutes ses nuances, était présente devant la salle d'audience. Grâce à Charlie Hebdo ce petit monde discutait ferme sans se taper sur la tête.

Pascal Hilout


Source : Respublica n°511

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