Citoyens d'abord (par Philippe Val)
Par Philippe ("CHARLIE HEBDO") VAL
D'abord merci à nos amis de Libé pour leur hospitalité et leur confraternité. L'existence de nos deux journaux, au-delà des divergences ponctuelles, a toujours été marquée par une solidarité qui ne se dément pas et nous en sommes heureux. Parmi toutes les questions que pose ce procès, quelques-unes nous tiennent particulièrement à coeur.
Dans un pays laïque, avant d'être d'une religion, on est citoyen. Ces caricatures s'attaquent clairement à l'intégrisme et dénoncent la terreur qui s'exerce au nom d'une religion qui, en ce cas, se place au-dessus de la citoyenneté. Lorsqu'on nous dit que nous nous livrons à une provocation, de qui veut-on épargner la susceptibilité ? Sinon des extrémistes qui voudraient que la religion se substitue au législateur. Or qui est habilité à définir le périmètre de la liberté d'expression : les élus du peuple ou les groupes religieux ? Dans les dictatures et les théocraties, qui a un besoin vital de notre soutien et que nos reculades désespèrent ? Les homosexuels persécutés ou ceux qui les persécutent ? Ceux qui luttent pour que leur pays devienne un Etat de droit ou ceux qui les jettent en prison ? Les femmes opprimées ou ceux qui les oppriment ? Et chez nous, en France, qui doit-on ménager ? Les musulmans républicains ou les organisations religieuses qui prétendent les représenter ?
Lorsque le recteur Boubakeur prétend qu'il n'y a pas de différence entre la communauté musulmane française et le culte musulman, ne fait-il pas une brusque embardée qui le déporte hors du cadre de la Constitution ? Ce procès est politique. Maître Szpiner, l'avocat de nos adversaires, et accessoirement celui du président Chirac, nous reproche de politiser ce procès. Cela pose une dernière question. Qu'est-ce qui peut bien amener maître Szpiner à penser que faire de la politique est honteux ?
Philippe Val
Source : Libération du 7 février